« A ghost from the future »... On peut entendre une voix féminine prononcer ces mots dans l'interlude « Other Rooms » qui suit le morceau « Cloud Phantoms » d'Epic45. Cette voix vient d'ailleurs. Elle est peut-être extraite d'un (télé)film anglais des années 70. La deuxième fois qu'elle se fait entendre, elle est ralentie, ce qui donne un autre poids à ces mots qui résonnent alors de manière particulièrement étrange : « A ghost from the future »...

        Il y a de fortes chances que les membres du groupe Epic45 aient lu les travaux de Mark Fisher qui a beaucoup écrit sur l'émergence, à partir des années 2000, de musiques qui explorent ces avenirs « perdus » qui continuent de hanter notre présent (je reviendrai plus en détails sur cette idée et ce qu'elle implique très bientôt).

        Bien qu'ils ne fassent pas partie d'un mouvement et encore moins d'une même « scène », Mark Fisher a fait ressortir les liens qui pouvaient exister entre des artistes aux démarches et aux univers aussi singuliers que ceux de Burial, The Caretaker, William Basinski ou encore Philip Jeck, chacun interrogeant à sa manière les rapports entre mémoire et imaginaires.
       
        Paradoxalement, la mélancolie qui se dégage de ces musiques peut, dans certains cas, en arriver à exprimer la joie que l’on peut éprouver lorsqu’on arpente ces territoires, ces autres « avenirs possibles » qui sont autant d’autres manières d’appréhender les multiples facettes de notre présent.
       Ce qui n’empêche pas les contradictions d’abonder, car autant ces expériences peuvent être gratifiantes, autant elles semblent ne pouvoir se faire que dans une extrême solitude à l’image de ces déserts dont parlait Edgard Varèse. Traverser un désert, ce n’est pas grand-chose, a pu dire Gilles Deleuze. Ce qui est terrible, avait-il ajouté, c’est de naître dans un désert, mais peut-être portons-nous en nous un ou des déserts qui ne cessent de nous traverser et qui sont autant d’épreuves, autant d’occasions de faire l’expérience de ce que signifie pour nous le sensible ?

     Toutes les musiques qui tenaient particulièrement à coeur à Mark Fisher sont, me semble-t-il, comme autant de boussoles qui peuvent nous accompagner dans nos propres cheminements lorsqu’on choisit de ne pas suivre les voies toutes tracées, le risque étant qu’un espace de liberté vécue de manière trop solitaire en vienne à se transformer en son contraire, une prison…



« So if this world that we imagine in this room might be used to gain access to 
other rooms, to other worlds, previously unimaginable... » (L. W.)

 








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