Je me suis concentré, dans les messages précédents, sur la façon dont une note qui, à première écoute, semblait se trouver là « par erreur » peut arriver à nous faire ressentir ce que cela fait de vivre d’autres manières d’être au monde. Autant une note semble ouvrir des portes vers des mondes inconnus (dans le cas de Grouper, par exemple), autant une autre note peut vouloir se libérer du poids de quelque chose.

      Ainsi, je me souviens d’une interview de Mark Hollis en 1991 qui insistait sur l’importance, pour lui, d’inclure au cœur du morceau « After The Flood » de Talk Talk un « solo » de guitare d’une seule note. Qu’il était très important pour lui d’inclure un tel « solo », comme une sorte de déclaration d’intention.
      Je me rappelle, à l’époque, avoir réécouté ensuite ce morceau afin de tenter d’identifier ce fameux « solo » et, en effet, à un moment donné, on entend bel et bien un son de guitare saturée (situé entre les minutes 4:00 et 5:15 dans la vidéo ci-jointe), mais il est difficile de l’identifier en tant que note, car, dans un premier temps, ce son ne semble pas émaner d’une guitare et, surtout, parce qu’il est trituré dans tous les sens, comme si une multitude de notes cherchait à s’échapper du carcan imposé par les limites de l’instrument lui-même. D’ailleurs, lors de mes premières écoutes de ce morceau, je n’avais jamais trouvé qu’il s’agissait d’un « solo » (même d’une seule note).

      Le fait qu’il ait été important pour Mark Hollis d’inclure cette note traduit, selon moi, son désir de produire une musique qui soit directement l’expression d’une émotion (c’était également le souhait de quelqu’un comme Ornette Coleman), comme s’il n’y avait pas d’intermédiaire entre geste instrumental et émotion.

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