Lorsque j’ai découvert Spirit of Eden en 1991, J'ai tout de suite associé cette musique à un livre de Ray Bradbury que j'étais en train de lire à l’époque, Death is a Lonely Business. En écrivant ces lignes, je réalise que, dans ce livre, Bradbury décrivait un monde qui était en train de disparaître, un monde au sein duquel la télévision n'avait pas encore fait son apparition dans les foyers américains (l'histoire se déroule à la fin des années 1940).

      Tout au long du roman, nous sommes témoins de disparitions incessantes : les théâtres et les cinémas sont détruits par des bulldozers, les parcs d’attraction sont désertés, la jetée et ses commerces se préparent à être détruits… Une ambiance de fin de mondes qui, curieusement, me rappelle celle que nous vivons actuellement…     

    Je me souviens également de la description de cet immeuble où habitaient des personnages hauts en couleurs avec cette dame aux canaris dont l’appartement se trouvait, je crois, au dernier étage et qui écoutait de l'opéra toute la journée. Dans la petite cours de l'immeuble, les gens s'interpellaient les uns les autres et se connaissaient bien. Un monde à part entière, facilité par la manière dont les villes étaient structurées à l'époque.


     Pour moi, les ambiances mystérieuses qui accompagnaient les deux premiers morceaux de Spirit of Eden décrivaient parfaitement l'atmosphère qui régnait dans cet immeuble et dans l'ensemble du roman lui-même dont l'action se déroule dans la ville de Venice en Californie, une ville sans arrêt plongée dans la brume. Cette association entre la musique de Talk Talk et l'univers décrit par Bradbury dans ce livre me fascine encore. En tout cas, quelle ne fut pas ma surprise lorsque j'ai appris que le nom de Bradbury figurait dans la liste des personnalités qui allaient s'exprimer sur Talk Talk dans le livre publié en 2012, Spirit of Talk Talk. Avait-il quelque chose à dire au sujet de leur musique ?

     En tout cas, j'ai été agréablement surpris de voir qu'un dessin de James Marsh (qui a dessiné toutes les pochettes des disques de Talk Talk) ornait la couverture de ce même livre de Bradbury (!), le dessin représentant justement un de ces fameux canaris dans une cage. Je ne sais pas pourquoi mais, comme je l'ai déjà souligné, l'association entre ce livre et cette musique s'est tout de suite imposée à moi. Peut-être partagent-ils une même mélancolie, celle qui s’installe lorsque l’on prend conscience que la violence sociale et l'injustice ne cessent de croître tout en prenant sans cesse de nouvelles formes qui font tout pour se rendre invisibles. 


Voici les paroles de la première chanson qui ouvre Spirit of Eden et qui s'intitule  « The Rainbow » :
   
« The world's turned upside down
Jimmy Finn is out
Well how can that be fair at all?

The song the lawyer sang
Our nation's wrong

Well, how can that be fair at all?
Repented, changed

Aware where I have wronged
Unfound corrupt
This song the jailor sings

My time has run

Sound the victim's song

The trial is gone
The trial goes on

Sound the victim's song... »


     Qui est ce Jimmy Finn dont la sortie de prison semble si injuste pour la personne qui s’exprime dans ces paroles ? 

     Le procès n'est pas terminé, nous dit-on d'ailleurs, et la chanson de la victime continue de résonner. L'injustice ne cesse de gagner du terrain, les luttes ne doivent pas s’arrêter.

     L'expérience de la liberté mérite toujours que l’on se batte pour elle.


     En guise de lien, j’ai souhaité inclure non pas la version originale de « The Rainbow », mais une reprise par le groupe américain Zelienople, non seulement parce que je la trouve superbe et complètement différente de l’originale, mais également parce que : 1) ce groupe est l’un des très rares qui produit une musique qui se situe dans la continuité de celle de Talk Talk ; 2) personne n'avait jamais repris ce morceau avant et, à mon avis, personne d’autre ne le reprendra après (avec autant de justesse, d'ailleurs).  



  

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