On se demande si cette photographie ne nous joue pas des tours car, en y regardant de plus près, on commence à distinguer ce qui ressemble à des ombres de silhouettes humaines. En effet, celles-ci sont allongées démesurément et semblent même émerger des herbes qui recouvrent ce no man’s land. Les corps d’où devraient provenir ces ombres sont, quant à eux, situés hors champ. 
          
        Un doute s’installe. S’agit-il bien d’ombres humaines ? L’homme a-t-il sa place dans ce lieu et si oui, laquelle ? Enfin, on peut se demander quels sont les rapports qu’entretiennent les différents éléments qui composent ce décor. 

        Dans la partie droite du paysage, on peut distinguer, tout au fond, une immense structure métallique apparemment en construction. Sa figure est imposante, mais pas nécessairement menaçante. Peut-être cela est-il dû au miroitement de ces lumières orangées dont j'ai déjà parlé et qui traversent cette structure ou qui semblent directement émaner d’elle ? 
         Même s’il fait nuit, le ciel est parsemé de nuages auxquels s’attachent encore les dernières traces de la lumière du jour, comme si celle-ci refusait obstinément de disparaître. En effet, derrière l’effilement des nuages, on devine encore la présence d’un ciel bleu et clair. Un paysage contre-nature, peut-être… Un lieu bien réel où se croisent des forces a priori opposées.  

       A cette première évocation vont s’ajouter des sons, des mélodies, des rythmes, gravés sur un support, un enregistrement. De la même manière, on peut s’interroger sur les rapports qui vont se nouer entre la musique qui commence à se déployer autour de nous et ce paysage mystérieux.


        « You stand apart with the sinking sunlight.
           I just came to watch you smile.
          Clarity.
          You work so hard that you don't know what it's like to be sure.

          It's gonna work out anyway. »
          (Bark Psychosis, « The Loom »)

          « Tu travailles tellement que tu n'arrives plus à être sûr(e) de quoique ce soit. 

            Mais ça va s'arranger de toute façon... » 

          En prélude à ces remarques, c'est surtout un acte d'amour qui est exprimé ici de manière à la fois très simple et singulière. En effet, la personne à qui s’adressent ces paroles est décrite uniquement à partir de sa silhouette qui se détache sur un coucher de soleil (ou plutôt un soleil qui « se noit »... dans la mer ?). En tout cas, elle se tient à l'écart (de qui ? de quoi ?). 

          « Je ne suis venu que pour te regarder sourire... ». 
          
          Pas simplement voir... regarder


         Des silhouettes, des sourires qui se croisent à nouveau. Une histoire dont on ne sait rien, excepté qu’une des personnes ne semble plus savoir où elle en est à cause de son investissement excessif dans son travail.  

      A l'écoute des premières secondes de « The Loom », des sensations fugaces commencent à émerger : ressentir, par exemple, la présence de tous les mondes possibles dans un souffle, un battement, derrière les mélodies apparentes. Voilà, c'est dit ou plutôt, c'est écrit. Tout ce qui va suivre dans ce blog ne sera que déclinaisons à partir de ce sentiment difficile à formuler. 

        Des mélodies s'entremêlent et continuent de tracer les contours d’un paysage sans cesse changeant. On se sent libre de l’arpenter comme bon nous semble. Il prend la forme qu’on lui donne et il nous transforme par la même occasion. Les couleurs, les nuances, les expériences réelles et imaginaires se mêlent les unes aux autres. Certaines se détachent à certains moments et nous permettent de vivre pendant un bref instant une autre vie qu’on a l’impression d'avoir toujours connue. 
         Une émotion unique. Du type de celles qui nous amènent à explorer plus avant dans nos rêves éveillés toutes ces contre-allées secrètes devant lesquelles on a l’habitude de passer sans jamais s’arrêter, mais dont la présence continue de nous hanter sans même que l’on s’en rende compte. 
       
        Une partie de nous-mêmes est peut-être encore là-bas, quelque part, à errer sans but dans les petites cours d’immeubles désertes surplombées par des fenêtres qui nous regardent en silence. 

         Un monde dénué de présences humaines. Ou plutôt des mondes au sein desquels la présence des hommes se situe sur d’autres plans de perception, leurs voix arrivant difficilement jusqu’à nous.  





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