Le processus de création de l’album Laughing Stock de Talk Talk est connu pour avoir été long et particulièrement éprouvant. En effet, il y a eu de très nombreuses prises sur lesquelles des musiciens ont improvisé à partir d'une base enregistrée, certaines contributions (ou certaines parties d'entre elles) ayant été intégrées à l'enregistrement final. Toutefois, il y a une anecdote que je trouve plus intéressante. 

      Je ne sais plus de quel enregistrement il s'agit (j’ai ma petite idée là-dessus… On y reviendra), mais je me souviens bien avoir lu et entendu (une vidéo existe sur YouTube) une histoire relatée par l'ingénieur du son Phill Brown qui se rappelait qu'une chorale avait été enregistrée pour un morceau qui devait figurer sur Laughing Stock et qu'au moment du mixage, Mark Hollis avait décidé de ne pas inclure ces voix dans la version finale. Je me souviens de la remarque de Phill Brown selon laquelle Mark Hollis s'était rendu compte que l'ajout de ce chœur était superflu et que d'une certaine façon, on « ressentait » la présence de ces voix enregistrées malgré leur absence. 

      J'ai toujours trouvé fascinante cette idée de ressentir la présence de quelque chose même si on ne l'entend pas, comme s’il subsistait une trace, aussi infime soit-elle, de ces voix quelque part dans l’enregistrement final. Cela me rappelle la définition que donne Mark Fisher de cet adjectif difficile à traduire en français de  « eerie » : « quelque chose d'étrange qui est là, mais qui ne devrait pas y être ou encore quelque chose qui n'est pas là alors qu'il devrait y avoir quelque chose. » S'il y a des formes d'absence ou de présence davantage ressenties que directement perçues, elles ne sont pas nécessairement inquiétantes, contrairement aux œuvres étudiées par Mark Fisher dans son livre The Weird and The Eerie

      Lorsque j'ai lu/ entendu cette anecdote sur le retrait de cette piste sur laquelle avaient été enregistrée une chorale, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à ce chœur d'enfants que l'on entend, cette fois, bel et bien dans le morceau « I Believe In You » et j'ai beaucoup aimé cette idée qu'il persistait des liens entre tout ce qui a été enregistré (mais pas forcément gardé) et ce qui figure finalement sur l'enregistrement publié. 

      Des gestes, des actions, des présences persistent même si l'oreille humaine ne les perçoit pas. 




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