"... ce n'est peut-être pas une question d'influences, de sonorités ou encore d'arrangements, 
mais de traduction d'énergie."

      La manière dont Brian Eno « traduit » la musique gospel est très différente de celle de Scott Tuma... Même si ce dernier utilise des instruments qui auraient pu avoir été joués dans les années 20-30 (guitare, harmonica, banjo, harmonium...), il ne s'agit pas d'un retour aux sources, encore moins de l'expression d'une forme de "revival". Les émotions qui circulent dans sa musique traduisent, me semble-t-il, autre chose.

      Les morceaux sont souvent très lents, comme si Scott Tuma prenait le temps d’aller au cœur des fibres de la musique gospel, ce qui l'amène à toucher à un tout autre type d'énergie. Avec lui, on passe de l'autre côté du miroir. Les mélodies sont magnifiques. Parfois, on peut trouver qu'elles sont très tristes.

      Comme dans certaines des dernières productions de Burial, les ruptures sont nombreuses et imprévisibles et les sons baignent dans un halo sonore indéterminé aux textures sans cesse changeantes. Certaines mélodies apparaissent, semblent s'installer avant de s'évaporer pour laisser place à autre chose. 

 
        Et puis, toujours comme chez Burial, lorsqu'il y a la présence de voix, celles-ci sont déformées, voire accélérées, plus ou moins distantes...

      Scott Tuma donne ainsi un autre souffle, une autre respiration à l’énergie du gospel en ralentissant le tempo, en créant de légers décalages entre les sons enregistrés. Parfois, un même instrument (souvent, la guitare) se dédouble, comme dans un jeu de miroirs, ce qui donne l’impression d’entendre, en même temps, toutes les façons dont une même mélodie pourrait être jouée. On ressent ceci, mais on pourrait également éprouver d'autres sensations si la partie de guitare avait été jouée comme cela.
      
      « ... cette sensation de déchirement, lorsque l’on ressent la présence de toutes ces vies que l’on aurait pu avoir et que le chemin que l’on a pris n’est pas forcément meilleur qu’un autre... »
 

      Me viennent à l'esprit ces paroles du morceau « Dancing and Fire » de Low qui se trouve sur leur disque « Double Negative » (2018) :
                                                                      « It's not the end, It's just the end of hope. »

      Si on ne peut pas compter sur l’espoir et si la musique de Scott Tuma exprime quelque chose de cet ordre, alors comment se fait-il que je n'éprouve aucune sensation de désespoir en l'écoutant ? Je me demande si, comme avec le disque de Low que je viens de mentionner, je ne ressens pas ce que l’on pourrait ressentir après avoir éprouvé toutes les émotions possibles (humainement connues).

Une énergie à la fois puissante et douce qui vous donne la force d’affronter le quotidien pour en faire autre chose. 
Une musique de fin de monde ? Peut-être... De célébration d'un autre encore naissant ? Peut-être également... 
 

 
 

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