J’ai écrit un peu plus haut qu’à force d’écouter les chansons gospel en voiture (message daté du 20 janvier 2020), ces dernières en arrivaient à devenir presque abstraites. De la même façon, on pourrait dire que les mouvements en cascade qui accompagnent la musique de Basinski donnent forme à des chansons secrètes, de celles que l’on porte toujours en soi sans même en avoir conscience ; des chansons réelles ou rêvées, oubliées ou ré-imaginées, aimées ou détestées. Elles peuvent être une ou plusieurs selon les moments.
      
    El Camino Real de William Basinski me donne l’impression de contenir l’ensemble de ces chansons et d’en avoir extrait un flux d’énergie sans fin qui évoque un sentiment d’élévation (même si le morceau dure 50 minutes, il pourrait continuer indéfiniment).

  
       Au fil des mois qui ont suivi, je ne pouvais plus écouter les Disintegration Loops de la même manière. Ce qui, au départ, me paraissait n’être qu’une (magnifique) boucle mélodique devenait dès lors l’expression d’une force qui, paradoxalement, gagnait en intensité par le processus même de désintégration sonore dont elle était l’objet. D’ailleurs, si l’on est attentif, on remarque que l’on assiste à un effeuillage extrêmement délicat qui donne vraiment l’impression qu’au fur et à mesure que disparaissent de très fines couches sonores, d’autres en viennent à apparaître, cette sensation pouvant s’expliquer par les micro-changements qui interviennent tout au long du morceau.
       Vous imaginez tout le potentiel d’évocation que cette musique peut contenir si vous l’associez aux évènements du 11 septembre 2001 (ce que renforce l’existence de la vidéo tournée par Basinski).
 
      Je trouve fascinant qu’un artiste ait pu traduire de manière aussi puissante les processus de création/ disparition/ transformation qui n’épargnent aucune forme de vie et qui constituent la trame de toutes nos expériences sensibles.

      Le monde musical aime bien les catégories et bon nombre d’artistes ont proposé énormément de musiques aux qualités atmosphériques et hypnotiques, mais l’œuvre de Basinski nous offre, me semble-t-il, une série de méditations plus ou moins intranquilles sur les imaginaires de plus en plus menacés qui traversent notre monde. 

      Et donc, je reviens à ce qui était le point de départ de tout cela, la disparition des oiseaux ou encore celle d’innombrables formes de vie au fil des siècles. Ont-elles la possibilité de renaître sous d’autres formes en se mettant à nous hanter, par exemple ? Difficile pour n’importe quel être vivant de se représenter le néant… Peut-être a-t-on affaire à des formes d’existences et de sensations qu’il nous est tout simplement impossible de concevoir ?



You seem so far away
You seem so far away

Last night I dreamt that I held your sweet hand
          When I awoke you were gone
  
  I just don't understand
 I just don't understand
 

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